Au bouclier brisé (Propriétaire: Pierre Burnon)

Un individu affublé d’une grande cape entra dans le bar. Le capuchon rabattu sur son visage empêchait de voir de qui il s’agissait. Les personnes présentent dans la salle regardèrent passer l’intrus dans un profond silence. On ne savait jamais sur qui on pouvait tomber.

Daethil était angoissé. Son entrée n’avait pas été discrète et tous les regards étaient tournés vers elle. Elle se dirigea vers le comptoir et s’assit. Son armure cliqueta faiblement contre son arme. Elle avait eu beaucoup de mal à l’ajuster pour qu’on ne la remarque pas et qu’elle ne gène pas la sortie de ses ailes, trop reconnaissables.

Elle jetait des coups d’œil frénétiques autour d’elle. Elle se demandait si venir ici était une si bonne idée que ça. Mais elle avait besoin de voir des gens et d’alléger sa solitude malgré le danger et son angoisse. Le barman, un homme au ventre proéminent et d’une assez petite taille, s’approcha pour la servir. Il la héla avec mépris.

Qu’est ce que je vous sers ?

Euh … unpeedelééé …

Quoi ?

Un verre de lait …

Les yeux de l’homme s’étrécirent en entendant la voix féminine qui sortait du capuchon. Il poussa un soupir moqueur en entendant sa commande et partit la chercher. Autour d’elle, les autres clients qui l’avait entendu, la regardait avec étonnement. Elle se dit qu’avec son plastron, elle devait paraitre plus imposante qu’elle ne l’était.

Le barman revint avec son verre et le posa devant elle. Elle fouilla dans sa bourse et donna quelques pièces. Ses fines mains attrapèrent le verre de lait d’un geste vif, seulement surpris par ses voisins de comptoirs. Ceux-ci la fixèrent longuement.

L’ange commença à s’agiter. La situation était déjà compliquée mais ces deux hommes empiraient la situation. Quand ils vinrent à sa rencontre, elle ne put s’empêcher de frissonner en se demandant ce qu’elle allait bien pouvoir faire sans se trahir.

Salut ma petite dame ! On est seule ?

Oui …

On va vous tenir compagnie alors.

Celui qui avait l’air d’avoir le plus consommé s’assit sur le tabouret à côté d’elle. Il passa sa main autour de son cou. La jeune femme se recroquevilla sur son siège.

Mais qu’est ce que c’est que ça ?

Sentant, les dures plaques d’acier sous la cape, l’homme tira le capuchon de Daethil. Ses longs cheveux et son visage angélique apparurent. Ils se fixèrent quelques instants. La jeune femme était pétrifiée par la situation. L’homme quand à lui détaillait son visage en essayant de comprendre la sensation qui le saisissait.

Soudain Daethil se libéra de l’homme et s’enfuit vers la sortie. Les deux compères la poursuivirent après quelques secondes de stupéfaction. Une fois dehors, les ailes blanches de l’ange se déployèrent, déchirant la cape dans le mouvement. Elle s’envola par-dessus l’établissement. Les deux humains arrivèrent juste après.

Mais où est-elle passée ?

Je sais pas. Qu’elle aille au diable ! Retournons boire.

Elle avait tout de même quelque chose d’étrange.

Plus haut dans le ciel, l’ange essayait de calmer sa respiration. Elle avait été toute proche de la catastrophe. Si ces hommes l’avaient percé à jour, ils auraient surement prévenu les forces du mal. Apercevant une forêt, elle vira dans cette direction avec l’intention d’y trouver de quoi manger.

La nuit s'avançait de plus en plus, Morgane dormait sur ses deux oreilles mais je n'arrivais pas à dormir. Je me retournais sans cesse dans mon lit. Était-ce par manque d'exercice ou autre chose, je l'ignorais. Je savais juste que ce n'était pas en restant à la maison que ça irait mieux. Je pris donc la direction de la penderie, enfilant une robe courte, rose ainsi qu'un capuchon noir par dessus, je ne souhaitait pas que l'on me reconnaisse si facilement, même si mon œil me trahissait. J'écrivais un mot à l'attention de Morgane, lui indiquant où j'allais et je le poignardais sur la porte avant de m'éclipser, d'empreinter le portail et de me rendre sur terre. La compagnie du bars me changerait les idées, et puis il s'y passait souvent des choses amusantes. Je poussais donc la porte du bars, les gens me regardaient étrangement mais peu m'importait, je m'assis au comptoir :

- Un kir et que ça saute ! Et tient ta langue.

Je laissais entrevoir mon visage quelques secondes au barman afin qu'il comprenne qu'il n'avait pas intérêt à me faire attendre. J'étais étonnée, d'habitude, le bar était un lieu très fréquenté des démons en tout genre mais ce soir là... Personne. Vraiment étrange. Le type du bar ne mit pas longtemps à m'apporter mon verre que je sirotais en silence, observant les poivrots alentours. C'est alors que la porte du bar s'ouvrit laissant apparaître une autre personne en capuchon. Je me demandais qui cela pouvait être. Pas ma sœur en tout cas, ce n'était pas sa carrure. 'inconnue s'approcha du comptoir assez maladroitement et commanda un verre de lait. Quelque chose me disait que cette personne n'avait rien à faire là, peut-être allais-je enfin m'amuser un peu. Je reposais mon verre sur le bar. Qui que ce soit, cette personne n'était pas à l'aise. Deux des poivrots s'approchèrent de la personne encapuchonnée :

Salut ma petite dame ! On est seule ?

Oui …

On va vous tenir compagnie alors.

Intéressant, alors comme ça c'était une femme. Les deux hommes commencèrent a tenter de charmer, si l'on peux dire, la nouvelle venue qui se troua plus que mal à l'aise. L'un d'eux arracha son capuchon et l'on pu voir son visage et sa tenue. Une tenue de guerrière ! et un visage proche de ceux des anges ! Je n'en croyais pas mes yeux ! La femme sortit presque en courant du bar, je me levais de mon tabouret précipitamment, laissant mon verre à peine entamé sur le comptoir. Dans ma hâte, ma capuche retomba mais je n'en avais que faire. Je sortais à sa suite, elle volait, elle avait des ailes ! Une ange ! Amusant. Dommage que Morgane ne soit pas là. Je m'envolais à sa hauteur.

- Bonsoir, tu t'es perdue ? Ce n'est pas très prudent de sortir la nuit tu sais ?

Effectivement, pour un être de son espèce, elle était bien téméraire de trainer en des lieux pareils par les temps qui courent.

Quelqu’un approchait. Pourtant c’était impossible à cette hauteur du sol. Une voix obligea l’ange à stopper son vol. Une jeune femme d’à peu près son âge se tenait en face d’elle. Elle lui demanda si elle était perdue et lui fit remarquer que ce n’était pas sûr de se promener comme cela.

Je … mais … c’est impossible …

Daethil ouvrit de grands yeux. Son interlocutrice volait à côté d’elle. Cela aurait pu être normal sauf que celle-ci ne possédait pas d’ailes ! Elle était là debout au milieu du ciel et rien ne la soutenait. Cela défiait les lois de la gravité. Elle portait une grande cape qui cachait ses vêtements. De longs cheveux blancs cascadaient sur ses épaules comme une rivière de lait. Une rose barrait son œil droit ce qui lui fit penser à un bandeau de pirate.

Cependant malgré sa stupéfaction quelque chose à l’intérieur de l’ange était entrain de hurler. Comme si une sirène d’alarme s’était allumée en elle. L’inconnue la terrifiait sans qu’elle comprenne ce qui n’allait pas. Ses mains étaient moites et tremblaient légèrement. Tout son être lui criait de s’enfuir mais aucun de ses muscles ne répondait à son commandement. Elle ne put que rester là et répondre par réflexe.

Je ne faisais que passer par là …

Sa voix s’éteignit d’elle-même avant qu’elle ai pu continuer. Elle n’arrivait même plus à parler. Mais qui était donc cette jeune femme ?

La jeune femme en face de moi semblait terroriser, rien de plus normal d'ailleurs. Elle arrivait à peine à parler, c'était très amusant :

Je … mais … c’est impossible …

Rien n'est impossible ma jolie.

Grâce à la télépathie, je pouvais connaître son degré de terreur et il était plutôt important. Je n'était pas aussi barbare que ma chère soeur mais ce soir j'avais plus envie de m'amuser qu'autre chose.

Je ne faisais que passer par là …

C'est ce qu'il semblait en effet. Je ne répondit rien, je me contentait de lui sourire. Je ne savais pas encore trop ce que j'allais en faire, mais une j'avais ma petite idée. Mon maître aurait sûrement aimé un petit rapport sur elle, il n'était donc pas dans mon intérêt de la tuer mais plutôt de la tester.

Puisque tu ne semble pas informée, je vais te le dire, nous sommes en territoire démoniaque ici. C'est dangereux pour toi tu sais ?

Je m'approchais lentement d'elle, la détaillant d'avantage, elle portait vraiment une tenue de combat donc peut-être était-elle venue commettre un quelconque acte de rébellion en ces lieux.

Allons, quel est donc ton nom ma jolie ?

Après y avoir mûrement réfléchie, il y avait mieux que de la tuer. Une simple frayeur suffirait à imposer un peu plus la supériorité du Maître. Et puis, peut-être la recroiserais-je un jour ? En tout cas je ne regrettais vraiment pas mon escapade nocturne.

L’inconnue se rapprochait, en lui disant qu’elle était en terre démoniaque. En territoire ennemi en somme. Elle détaillait l’ange de la tête au pied avec une assurance sans faille. La jeune femme aurait voulut avoir le courage de s’enfuir à tire d’aile mais elle ne bougea pas.

L’inconnue lui demanda son nom sans détour. L’ange ne savait pas quoi faire. Devait-elle lui mentir ou dire la vérité ? Devait-elle-même lui répondre ? Sous l’emprise de la peur, elle lui dit.

Je m’appelle Daethil.

La pression de la présence de son interlocutrice provoqua un petit mouvement incontrôlé. L’une de ses ailes frappa contre son bras et elle perdit un peu d’altitude.

Aaahh !

Elle se rétablit facilement et releva les yeux pour garder en vue la jeune fille qui volait sans support. Ce devait vraiment être une sorcière pour réussir un tour pareil. Elle rougit en imaginant le spectacle qu’elle devait donner. Incapable de rester en vol stationnaire et effrayé par une jeune femme de son âge. Ses parents auraient eu honte d’elle.

Elle remonta à la hauteur de la sorcière et détourna le regard. Elle ne pouvait même plus la regarder en face. Quelle malchance elle avait eu de croiser quelqu’un capable de la suivre dans les airs aussi facilement. Elle ne savait même plus quoi faire. Elle n’osai prendre la parole et ne voyait pas comment elle pourrait s’en aller. Cette nuit était vraiment un cauchemar. Pourquoi était-elle rentré dans ce bar !

Je voyais l'hésitation de l'ange à me donner son nom et j'espérais qu'elle se dépêche de le faire, sinon je forcerai son esprit pour le connaître. Heureusement pour elle elle finit par dire bien docilement la vérité :

Je m’appelle Daethil.

La peut commençait également à tétaniser ses ailes. Si cela continuait ainsi, je ne pourrais jamais connaître le vrai niveau de cet ange. Au quel cas ce serait vraiment dommage de devoir envoyer quelqu'un d'autre s'en charger. Voilà qu'elle détournait le regard.

Fais pas cette tête, c'est pas comme si j'allais te tuer. Du moins pas ce soir.

Je portais une main à mon fourreau, encore dissimulé sous mon capuchon puis me ravisa, optant pour me battre juste avec un poignard. L'ange était tellement effrayée que de toute façon elle ne pourrait rien contre mon épée.

Aller, reprends contenance ça fait peine à voir. Bon, je ne vais pas te demander grand chose. Attaque moi. De toute tes forces ou je te tue compris ?

Effectivement, si Deathil ne se décidait pas à y aller le plus fort possible, ce serait complètement inutile de la laisser en vie. Je sortais enfin mon pignard de sous mon capuchons et m'écriais en m'élançant vers elle :

En garde ange Deathil !

La sorcière jouait avec elle. Elle se moquait et en même temps parlait de sa mort sans émotion. C’était une tueuse cela ne faisait plus aucun doute. Elle sortit un poignard et lui demanda de combattre vraiment ou elle périrait. Quand l’inconnue fonça sur elle, Daethil reprit contrôle d ‘elle même trop tard.

Le poignard décrivait une courbe droit vers son cœur. Elle ne pourrait pas sortir son épée à temps et elle n’était pas sûre que son plastron arrête ce coup. Son bras gauche se mit dans la trajectoire par réflexe tandis que sa main droite attrapait le manche de son arme.

Le coup brisa la glace qui avait recouvert son brassard. Elle recula et se mit en garde face à son adversaire. Elle jaillit vers l’avant mais le poignard de la sorcière l’arrêta facilement. Ses coups étaient trop hachés, pas assez fluide. L’inconnue prenait facilement le dessus.

Ses ailes battirent avec force. Elles l’emmenèrent au dessus de son opposant qui la suivi. Elle força ses muscles pour prendre assez d’avance sur son opposante tout en lui lançant des bris de glace. Une fois qu’elle l’eu, elle changea de sens. Ses ailes se repositionnèrent comme ceux des faucons et elle piqua vers son adversaire.

Epée droit devant, elle donna un premier coup vers la droite. Le poignard intercepta l’attaque. Elle profita de ce mouvement pour frapper avec la deuxième lame de son épée mais le coup de trouva rien. La jeune femme avait esquivé et entailla la cuisse de l’ange, juste au dessus de sa botte.

Les deux adversaires se remirent en face l’un de l’autre. Une légère couche de givre recouvrit la blessure de Daethil. Cela empêcherait la blessure de s’infecter et le sang de couler. Son adversaire pouvait finir ce combat quand elle le voulait ça se lisait dans chacun de ses mouvements. La gorge de l’ange se serra à cette idée.

Lorsque je fonçait sur l'ange, elle reprit enfin un peu d'assurance et se battit. Certes maladroitement, surtout au départ, mais trouva finalement de montrer qu'elle en avait à revendre. De plus elle s'adaptait vite en combat, lorsqu'elle comprit qu'attaquer de front ne mènerait nulle part, elle se mit à feinter. Elle ne représentait pas de réelle danger pour les jumelles mais pour certains général de l'armée, c'était autre chose. Je lui plantait donc mon poignard dans la cuisse pour l'affaiblir un peu. Cette dernière fit apparaître de la glace sur sa jambe pour éviter l'hémorragie et endormir la douleur.

Pas mal. Tu vois que tu peux te battre. En plus maintenant je sais une chose de plus sur toi, tu es une élémentaire de glace. Malheureusement pour toi... la glace n'a jamais rien pu contre le feu !

Je l'encerclais alors de mes flammes, réduisant son espace pour bouger ses ailes. Lorsque la chaleur des flammes aurait fait fondre son pansement de glace, elle ne pourrait plus grand chose. J'attendais patiemment se moment puis je fit disparaître mes flammes, plaçant mon poignard sous sa gorge.

Tu te défends, mais ce n'est pas encore ça. J'en sais assez pour faire mon rapport sur toi. Pars et améliore toi, car quand ton ordre d'exécution viendra, il ne sera plus question de jeu.

Je lui ait ensuite mis un coup sur la tête pour la faire tomber, suis redescendu au sol. Mon kir allait être chaud avec tout ça. Je retournais donc dans le bar, boire tranquillement le reste de mon verre.

La sorcière fit une remarque sur son élément et l’encercla dans les flammes. Daethil mit sa tête entre ses bras et battit frénétiquement des ailes en voyant la cage de feu autour d’elle. Elle ne pouvait plus sortir. Elle allait brûler vive ! Mais soudainement les flammes disparurent et elle écarta les bras.

De l’acier froid comme la mort se posa sur sa gorge. Elle s’était remise à saigner. L’ange se prépara à mourir. Les yeux fermés, elle l’attendait en silence. Mais la jeune femme ne l’égorgea pas. Elle la laissa partir en lui disant de s’améliorer car elle allait faire un rapport sur elle. Elle serait surement condamnée à l’exécution.

L’ange n’eut pas le temps de paniquer à cette idée qu’un coup l’assomma à moitié. Elle tomba ou plana vers le sol tant bien que mal. Elle atterrit avec fracas dans une grande flaque de boue. Sonnée, elle resta là à se demander ce qui s’était passé. Son sang se mêlait à la boue et lui donnait une teinte ocre.

Lorsqu’elle reprit ses esprits, elle se remit sur ses jambes chancelantes et recréa son pansement de givre. La blessure avait un moins bel aspect mais cela devrait guérir assez rapidement quand même. Elle chercha du regard son agresseur mais ne la vit pas.

Qu’est ce que j’ai fait …

Perturbée, elle déploya ses ailes et s’envola vers la forêt exigeant le maximum de ses muscles. Elle devait fuir ce cauchemar. Elle n’aurait jamais du venir dans ce coin de la terre. Elle devait retourner au paradis. Mais avant elle devait trouver à manger, guérir et se laver …

» Une soirée pas si habituelle au bouclier brisé (libre)